samedi 29 août 2015

Notre nouveau site sur le YOGA, Bien Etre, Ayur Véda


PROGRAMME Stage "TRANSMISSION YOGA"
31 Janvier 2016
 salle Paul Barles à St Maximin





jeudi 1 janvier 2015


INVOCATION par çamkara

Je me prosterne devant ce Brahman!

(dans l'état de veille), c'est lui qui fait l'expérience de tous les objets grossiers, en pénétrant l'univers entier par les rayons omniprésents de son inaltérable Conscience, laquelle embrasse la multiplicité des objets mobiles et immobiles;

(dans l'état de rêve), c'est Lui qui absorbe en quelque sorte et qui fait ainsi, au dedans de Lui-même, l'expérience de la multiplicité des objets que le désir produit et auxquels le mental prête existence ; 

Dans le sommeil profond, c'est Lui qui jouit de la félicité, et qui nous fait, par la vertu de mâyâ, goûter cette félicité ; 

C'est Lui encore, qu'en termes de mâyâ, on désigne comme le Quatrième (Turîya), et qui est le Suprême - l'Immortel - l'Immuable !

Puisse ce Turîya : 
- Qui, après s'être identifié (par la vertu de mâyâ) avec la totalité de l'univers, fait (dans l'état de veille), au moyen de l'ignorance et de l'attachement, l'expérience des multiples objets de jouissance grossiers ; 

- Qui encore, dans l’état de rêve, éclairé de sa Seule lumière, fait l'expérience des objets de jouissance subtils auxquels Son sens interne prête existence ;

- Qui enfin, dans le sommeil profond, retirant Lui-même tous les objets (subtils et grossiers), s'affranchit de toute distinction et de toute différenciation ; 

(Puisse ce Turîya), à jamais exempt d'attributs, nous accordait Sa protection !

Ce texte issu de la MANDUKYA UPANISHAD expose d'une manière magistrale ce qu'est la Vérité Suprême

Ce BLOG n'ayant plus rien à dire, sa fermeture est donc définitive

mercredi 10 décembre 2014

La grandeur de Sri Arunachala








La grandeur de Sri Arunâchala

(Sri Arunâchala Mâhatmyam)

 


Ces strophes extraites de l'Arunâchala Mahatmyam furent choisies et traduites en tamoul par le Maharshi.
Nandi dit :

1. Parmi les Hauts-lieux Arunâchala

est assurément le plus grand —c'est
le Saint Lieu par excellence !
De l'univers c'est le Cœur[1].
Sache que ce Lieue st le Siège,
investi du pouvoir vital, secret,
du Seigneur. C'est Shiva Lui-même.
Il demeure Là de toute éternité
sous forme d'une montagne de Lumière[2],
sous le nom 'Arunâchala'.

2. Ce jour antique où l'Etre suprême
assuma la forme Arunâchala'
-le Lingam sublime et merveilleux[3] -
était présidé par l'étoile Arudra,
au mois de Mârqazhi. Le jour où
Vishnu et les autres Devas glorifièrent
et adorèrent cetteLumière
- Shiva qui s'était ainsi manifesté–
était la Shivarâtri du mois de Mâsi.
Shiva dit:

3. Bien que je me sois manifesté

sous forme de Feu par un acte
de grâce  j'obscurcis ma splendeur
sous forme d'une montagne
afin de soutenir le monde.
Sache aussi que le siddha
de grand renom, Arunagiri,
toujours présent, est Moi-même.
En Moi brille une grotte débordante
de toutes les jouissances du monde[4]

4. Puisque par nature elles sont
nuisibles et enchaînent tous les
mondes, les actions (karmas) sont
esclavage ! Puisqu'assurément
cette montagne - la seule vue de
laquelle les réduit toutes à néant –
appelle cette radieuse plénitude
'Arunâchalam'.

cette note est dans le texte :
A- qui libère
RUNAM- dettes, esclavage-
ACHALAM - montagne
Arunâchalam= la montagne qui nous libère de nos dettes et met fin à l'esclavage.
Arunâchalam est l'opposéde runarm.

5. A celui qui contemple cette Forme

de quelque lieu qu’elle soit visible

et même à celui qui, bien qu'éloigné,

dirige l'attention de son mental

sur Elle, l'essence du Védanta

- vijnâna, la connaissance vraie,

qui ne se manifeste qu'après de longues tribulations,

sera révélée.

6. Moi, qui suis le Seigneur,

par l'exercice de mon Pouvoir

souverain, j’accorde l'union

libre de liens (sâyujjiyam[5])

avec Moi à ceux qui résident

trois yojanas[6] à la ronde de ce sanctuaire,

même sans initiation préliminaire et le reste.
Dévidit :

7. Pour les droits et ceux

qui sont passionnés de Dieu,

ce Saint Lieu est assurément

la demeure de tout temps.

Mais ici les perfides, dont l'intention

est de nuire, seront brisés et périront

de maintes souffrances et de pauvreté.

Le pouvoir des méchants s'éteindra

en un clin d'œil sans laisser

la moindre trace. Ne tombe pas

dans le Feu ardent de la colère

du Seigneur Arunâchala, qui assuma

la forme d'une Montagne de Feu !




[1]Variante : « C’est le Lieu le plus secret ».

[2]Variante : « sous forme d’une montagne de Jnâna de nom Arunâchala »

[3]Variante : « Le jour où le Seigneur assuma la forme du Lingam originel, sublime et merveilleux ».

[4]Toutes les traductions parlent de plusieurs grottes, cependant le titre n’en mentionne qu’une seule. Il y a de nombreuses références qui montrent que le Maharshi ne parla que d’une seule grotte mystérieuse, qui fut le sujet de bien des discussions.
Maharshi : « Naturellement, dans ce contexte, cela signifie que la grotte est à l’intérieur de la montagne et que là, dans cette grotte, toutes les jouissances sont présentes. La strophe dit que vous devez présumer qu’il y a une grotte à l’intérieur de la montagne et qu’elle est resplendissante de lumière. Oui ce lieu est appelé Bhoga kshetra (le lieu de jouissance, de prospérité) : si seulement penser à ce lieu assure la libération, est-il surprenant qu’il puisse accorder tous les plaisirs que nous pouvons désirer ? »?" (D/D 6.12.1945 et M/P 1990 p 54)

[5]Sayujjiyam : état d’union intégrale en Dieu, non-duelle, sans aucun sens de différence « Lui-moi ».

[6]Yojana : environ huit kilomètres.

 MERCI a http://www.ramana.f

jeudi 20 novembre 2014

Quelques Strophes Éparses



Une méprise   (S.V.3)

Celui qui se prend pour le corps,
qui transforme en immondice
de la pure nourriture,
doit être considéré pire
que le cochon qui se nourrit d'ordures.

La  nature de l'amour envers Dieu (S.V.4)

L'attention fixée sur Soi-même,
cela seul est l'amour suprême
envers Dieu, car Dieu est
intimement le Soi.

Paix - Puissance   (S.V.5)

Ce qui est paix (shanti) au regard intériorisé
est puissance (shakti) au regard extériorisé.
Ceux qui réfléchissent intensément
comprennent que les deux sont un.

Aveuglement (S.V.7)

Seul le Libéré peut libérer les êtres ;
tout autre est un aveugle
aidant un autre aveugle sur le chemin.

Epitaphe à Lakshmi (OCC.V.16)

« Lakshmi  tint une place unique dans  l'ashram. Génisse, elle avait été offerte à Sri Ramana avec sa mère. Elle grandit et donna  de nombreux veaux, bien souvent pour l'anniversaire de Bhagavan. Elle avait l'habitude de venir d'un pas majestueux vers Bhagavan et quelquefois le léchait. Il lui offrait des fruits et friandises. La tendresse qu'il éprouvait envers elle était frappante. Un soir, tandis qu'il  lui offrait des fruits, il me dit que bien qu'elle soit sous une forme animale, elle comprenait tout ce qui  lui  était dit. Dans cette strophe il déclare sans ambiguïté qu'elle obtint la  libération. » (GVS p. 179).

Le vendredi 5 du mois âni,
le douzième jour de la lune ascendante,
sous la constellation vishâkame[1]
en l'année Sarvadhâri[2]
fut le jour de la libération
de la vache Lakshmi.

Vishnu


Muruganâr composait un poème de trois strophes afin de glorifier Vishnu au moyen des trois instruments : action, parole, et pensée. Il demanda à Bhagavan de composer la troisième strophe. Muruganâr ayant conclu les deux premières strophes par les mots : « Qui suis-je pour faire ? » et « Qui suis-je pour dire ? », Sri Ramana termina sa strophe de la même manière :

Quand l'intégrité décline
et quand la violence domine,
Tu T'élèves afin d'y mettre fin
et afin que prospèrent la vertu
et les vertueux.
Qui sommes-nous pour concevoir Ta Forme
O Maya, Protecteur du monde[3] !


Quelques strophes  traduites du sanskrit en  tamoul par Sri Ramana à  la  demande de l'un ou de l'autre et suivant l'occasion   :

La Feuille (occ.v. 14)

Le corps est abandonné par le Connaisseur du Soi
tout comme la feuille après le repas.

Sri Bhagavan expliqua : « Dans un livre tamoul, 'Prabhulîlalinga', cette idée est exprimée dans un quatrain. J'ai pensé qu'il serait bien de le condenser en deux lignes. L'exemple de la feuille qui a servi pour le repas est souvent donné. Aussi bien qu'une feuille soit préparée, elle n'est utile que jusqu'à la fin du repas; qui y prêtera ensuite attention ? Elle est immédiatement jetée. » (L/R 1-123)

C'est encore la  coutume en Inde de prendre son repas sur une 'assiette'   en feuilles  cousues  ensemble ou sur une seule grande feuille.

Bhagavad Gîta ch.IV, 22, (S.V.6)

Débarrassé de toute envie, d'humeur égale,
comprends que celui qui a dépassé la dualité
n'est pas lié[4] bien qu'agissant.

Panchadasi II, 3 9  (S.V.8)

Questions et réponses ne sont
que des paroles qui présupposent
cette dualité, elles n'ont pas
de place dans la non-dualité.

Mândûkya Upanishad (Karika de Gaudapada 11,32), (S.V.9)

Il n'y a ni création ni dissolution,
ni servitude ni libération,
ni aspirant faisant des efforts
vers la libération.
Sache que telle est l'ultime vérité.

Deux strophes extraites du Bhagavatham (Râma Gîta, skanda XI, ch.10, 26)

Un visiteur demanda  quelle est  la  différence entre un jivanmukta et un videhamukta. Bhagavan répondit:

« Un jnani avec un corps est un jivanmukta; il atteint videhamukti quand il quitte le corps. Nous considérons le jnani comme une forme humaine ou comme étant dans cette forme, mais le jnani sait qu'il est le Soi, la seule réalité, qui est tout ensemble intérieure et extérieure, et n'est limitée par aucune forme. »

Puis il cita  la  strophe ci-dessous   (D/D 9.1.1946) :

Tout comme l'homme ivre ne sait pas
s'il porte un vêtement ou non,
le jnani conscient du Soi,
n'est pas conscient du corps,
que ce dernier soit actif ou au repos,
ou qu'en raison du prarabdha, il adhère
à lui ou le quitte.
Le corps est éphémère.

Sri Ramana remarqua  au sujet du contenu de cette  strophe :

« A vrai dire, cette exposition n'est pas entièrement correcte. En fait le jnani  n'a pas même le désir de se débarrasser de son corps. Il demeure indifférent envers l'existence ou la non-existence du corps car il n'en est que plus ou moins conscient. » (RBR, p.148).

Sri Bhagavan découragea toujours le penchant pour les siddhis, les pouvoirs occultes, car ceux-ci sont une déviation dangereuse du chemin qui mène à  la prise de conscience de Soi-même. Un jour (mai 1944), il cita une strophe de Rama Gîta à cet effet et la  traduisit en  tamoul :

« Le prestidigitateur illusionne le monde mais au moins il ne s'illusionne pas, tandis que le siddha, ô mon fils, s'illusionne lui-même et aussi le monde ! Quel spectacle extraordinaire ! »

Cause et Effet (Shiva Jnâna Bôdha, strophe 1)

Puisque ce monde, qui consiste en tous les genres -
mâle, femelle, neutre et le reste -
est perçu et considéré comme un effet
sache que selon les Sages
cet Agent de création est Hara[5],
Celui qui détruit et recréé le monde.




[1] Vishakame est la seizième constellation, sous le signe de la Balance. La date correspond au 18 juin 1946.
[2] 'Support de  tout '. Dans 'Letters from Sri Ramanasramam',  Sauri Nagamma raconte de nombreuses anecdotes  touchantes sur Lakshmi et son association avec Sri Ramana, qui un jour raconta : « A l'époque, il n'y avait pas de cloche dans le réfectoire. Nous ne savons pas par quel moyen mais tous les jours à un moment précis, elle se présentait devant moi. Nous regardions la pendule pour constater que c'était l'heure juste du repas ».
[3] Vishnu est 'maya' en raison des activités mystérieuses qu'Il déploie pour maintenir le monde.
[4] pris  dans  le piège des  actions.
[5] Hara : épithète de Shiva signifiant 'Le Destructeur'. Shiva Jnâna Bodha est un court texte de l'école du Shaïva Siddhânta, grandement répandu dans le sud de l'Inde.

MERCI a http://www.ramana.fr

mercredi 22 octobre 2014

  OM NAMO BHAGAVATE SRI RAMANAYA

1 - QUI SUIS-JE ?

Introduction: Dans ce chapitre la pratique juste de la recherche "Qui suis-je ?" est clairement exposée.
1 -  N'y a-t-il pas dans tous les êtres (jivas) un principe conscient 'Je' qui s'associe spontanément à toute activité : je partis, je vins, je fus, je fis, etc. ? Une réflexion profonde révèle que ce principe conscient s'identifie au corps en raison des mouvements et autres activités qui s'y rapportent. Etant admis que le corps n'existait pas avant la naissance, qu'il n'est qu'un composé des cinq éléments, que dans le sommeil profond il n'est pas et qu'il devient un cadavre à la mort, il est bien évident que l'on ne peut affirmer que le corps est ce principe conscient 'Je'. De nombreux noms sont attribués à cette conscience 'Je’ qui s'élève dans le corps : tatbôdha, ahamkâra, avidya, maya, mala, jiva etc.[2] Alors que le but indiqué dans tous les textes est la libération, celle-ci étant effectuée par l'extinction de l'ego, pouvons-nous nous abstenir de nous livrer à une recherche ? Comment procéder à cette recherche ?
Ce corps, qui est inerte comme une cruche ou toute autre chose, peut-il briller (sphurittu) en tant que 'Je' ?
Non ! Rejetons alors ce corps comme s'il était véritablement un cadavre.
Si, sans même murmurer 'Je'[3], nous observons avec vigilance ce qui brille maintenant en tant que ‘Je’, une sorte de sphurana se révèlera silencieusement et spontanément en pulsations ‘Je’ – ‘Je’ dans le cœur; si nous adhérons intensément à ce sphurana et demeurons tranquille (summâ irutthal), le sphurana annihilera la forme de l'ego, c'est-à-dire l'identification au corps. Puis telle la flamme du camphre, le sphurana lui-même s'éteindra et seule la paix ineffable demeurera. C'est cela que les Sâstras et les Sages nomment libération.
2 - Le voile de l'ignorance (âvarana) cache la connaissance vraie : « Je suis pure conscience » et fait apparaître une identification erronée : « Je suis lecorps » mais il ne peut obscurcir totalement le jiva :"Je suis" reste constant.
3 - Notre nature propre brille spontanément, d'elle-même (swayamprakâsha). Il n'est pas nécessaire de la concevoir comme ceci ou comme cela, de même qu'il n’est pas nécessaire de l'imaginer comme une lumière d'aucune sorte. De telles conceptions ne sont que des pensées, des chaines qui entraînent l'asservissement. Le Soi n'est autre que conscience radieuse, qui n'est ni lumière ni ténèbres. Atman, c'est-à-dire Soi-même (thane)[4] brille spontanément.
La nature de la dévotion dans son état de parfaite maturité est l'absorption en Soi-même. C'est cet état d'absorption qui est appelé samâdhi et qui confère la libération : la sérénité de la paix suprême. Les Grands affirment que la libération ne peut être obtenue qu'au seul moyen de cette dévotion sous forme d'absorption en Soi-même. Puisque la projection 'Je' (samkalpa) est une identification erronée, et puisqu'elle constitue la racine de l'arbre, il s'ensuit que si la racine est détruite l'identification erronée périra tel un arbre déraciné. Seule cette méthode qui détruit aisément l’ego (ahamkara) peut être appelée le chemin de la dévotion (bhakti marga), le chemin de la méditation (dhyana marga) et le chemin de la connaissance jnana marga.
Les cinq gaines (koshas) qui constituent les trois corps[5] sont impliquées dans l'identification : « Je suis le corps ». Par conséquent quand l'identification avec le corps (physique) est éliminée, l'identification avec les deux autres corps se trouve automatiquement éliminée aussi, puisque leur existence repose sur cette identification. Il n’est donc pas nécessaire de les éliminer les unes après les autres. Les textes déclarent que les pensées constituent l'unique asservissement et leur conclusion, fermement établie, est que la plus efficace des sadhânas est de LUI[6] offrir le mental dont la forme est la pensée 'Je' et de demeurer simplement tranquille (summâ irutthal) sans l'oublier.

2 – Le mental

Introduction: dans ce chapitre la nature du mental, ses états et son siège sont succinctement décrits.
2.1- Selon nos Enseignements[7] il est une entité qui se densifie à partir de l’essence subtile de la nourriture que nous consommons et qui prospère en raison des aversions et attractions, du désir, de la colère, etc. Cette entité est un ensemble constitué de quatre organes intérieurs (antokarana) : le mental (manas), l'intellect (buddhi), la mémoire (chittam) et l'ego (ahamkara); toutefois cette pluralité porte un nom générique : le mental (manas). Ce dernier est doté des facultés de penser et de déterminer. Il est appréhendé par la conscience (jnana) : bien qu'inanimé (inerte) il semble être conscient en raison de son association avec la conscience de même que la boule de fer chauffée au rouge semble absorber les qualités du feu.
C'est un composé transitoire dont la forme est malléable, telle celle de la cire et de l'or. Il est la base[8] de tous les principes (tattvas). De même que les yeux, etc. sont le siège des sens, telle la vue, etc., son siège est le lotus du cœur (kamala hridayam).
Le mental est le véhicule[9] du jiva. Il pense à un objet et acquiert ainsi une forme au moyen des mouvements subtils (vritti) de cette pensée qui contacte la mémoire[10] dans le cerveau. Quand, informé au moyen des connaissances sensorielles acquises à travers les organes des sens et coordonnées par le cerveau, il discerne : ‘Je connais’, il jouit de cet objet et est satisfait. Se demander si l'on doit manger une chose est une projection motivée (samkalpa) du mental[11]. Décider si la chose est savoureuse ou sans goût, consommable ou nom, est une modification (vritti) de détermination du mental[12]. Quand le mental, qui est la base de tous les principes (tattvas), I'individualité, Dieu et le monde s'absorbe et se dissout en Soi-même il atteint l'état d'unicité intégrale (kaïvalyam) dans laquelle tout est Brahman, l'Etre originel et transcendant.
2.2- Les organes des sens, qui sont situés extérieurement et sont les instruments au moyen desquels nous prenons connaissance des objets, sont appelés les organes externes ; tandis que le mental, qui est situé intérieurement, est appelé l'organe interne[13]. En réalité il n'y a ni intérieur ni extérieur, ce n'est qu'en référence au corps que l'on parle d'intérieur et d'extérieur. Afin de faire comprendre que tout ce qui est perçu est perçu intérieurement et non extérieurement, les Védas emploient le symbole du lotus du cœur pour désigner la totalité de la manifestation, qui ne peut s'élever indépendamment du Soi[14]. Bien qu’elle contienne des parti­cules de différents métaux, la boule de cire de l'orfèvre est perçue comme une boule homogène.
Au cours du sommeil profond les jivas sont absorbés dans l'obscurité de l'ignorance (avldya[15]), c'est-à-dire dans l'illusion universelle (samasthi mâyâ), une expérience indifférenciée d'une masse homogène d'inconnaissance. Au cours du sommeil profond les corps physique et subtil demeurent à l'état dormant en mâyâ, l'obscurité de l'ignorance. Le corps subtil, l'ego, jaillit de cette obscurité. C'est l'ego (ahamkâra) qui est aussi désigné par les noms « mental » (manas) et « cœur » (hridaya); l'ignorance (avidya) désigne le corps causal.
On doit comprendre que le mental doit se reconvertir en tant que Soi (Atman), la conscience qui est sa propre nature.
2.3- La Forme (nature) véritable de ce qui a reçu le nom de mental est la conscience (jnâna). Par conséquent lorsque le mental demeure sans tache il ne peut plus être appelé « mental ».
La perception erronée qui nous fait prendre une chose pour ce qu'elle n'est pas[16], constitue la connaissance déformée du mental : en raison de l'ignorance née de l'oubli de Sa propre nature, le mental satvique - qui est pure conscience (jnâna) - assume la forme du monde sous l'emprise de l'inclination vers la densification (tamoguna) et, sous l'emprise de l'inclination vers l'activité (créativité, rajoguna) il s'identifie, aucorps et attribue une réalité au monde.
En vertu de cette tendance à l'identification il accomplit des actions par lesquelles il acquiert des mérites (punya) et des démérites (pâpa) à travers attachements et aversions, et subit naissances et morts.
N'est-ce pas l'expérience de chacun, que dans le sommeil profond ou dans la syncope il n'y a ni connaissance de soi-même, ni connaissance objective. L'expérience « Je suis réveillé », « J'ai repris connaissance » ne jaillit-elle pas de l'état indifférencié précédent ? Cette connaissance particularisée (vishéshajnâna) est appelée Vijnâna. Vijnâna ne peut pas briller seul, mais doit adhérer soit à Atman, Soi-même en tant que conscience, soit au non Soi. Vijnâna en union avec la conscience est appelé connaissance vraie (mèye jnâna) ou encore la connaissance de la transformation du mental en soi-même (Atmâkâramanovrittijnâna) et aussi connaissance indifférenciée (akhandâkârajnana). La condition dans laquelle vijnâna adhère au non Soi est appelée ajnâna, l’ignorance.
L'état dans lequel vijnana adhère à la conscience et brille en tant que Soi-même est Aham Sphurana, la pulsation Je. Ce sphurana ne peut quitter la réalité (vastu) pour demeurer par lui-même. Bien que ce sphurana soit l'indication concrète de la cible: la prise de conscience de la réalité (vastu), sphurana n'est pas, en lui-même, la réalité ou prajnana, la conscience, la source à laquelle il adhère et par laquelle il brille. C'est à cela que le Vedanta fait allusion en disant prajnana est Brahman. La strophe suivante nous apporte quelques éclaircissements:
Atman, le spectateur de tout
qui resplendit de Lui-même,
brille dans la gaine de l'intellect.
Faisant de Lui, qui est distinct
de l'irréel, ta cible, fait de Lui
l'expérience en tant que ton
propre Soi au moyen d'une
méditation continue."
 
Vivékachudâmani, v.380
Etudiez le croquis ci-dessous afin de bien comprendre l'illustration et explications qui suivent: :          
1- La lumière l'Atman, le Soi.
2- La porte (La porte du) sommeil profond (sushupti).
3- Le seuil Le principe cosmique (mahâtattva[17] ).
4- Les murs intérieurs L'ignorance (avidya =le corps causal).
5- Le miroir L'ego (ahamkara).
6 - Les fenêtres Les cinq sens.
7- La chambre intérieure Le sommeil profond (sushupti) dans lequel brille le corps causal.
8- La chambre antérieur Le rêve (swapna) dans lequel brille le corps subtil.
9- La cour La veille (jagrat) dans laquelel brille le corps physique.
Cette illustration nous apporte des éclaircissements sur l'immutabilité de notre Soi, sur la différence entre Soi-même et l'ego et aussi sur le déploiement des trois états.
La lumière (1) est l’Atman. Le Soi brille spontanément dans le sommeil profond (7), dont les murs sont l'ignorance (4), c'est ­à dire le corps est causal. Sous l'influence du prâna les forces vitales, qui sont stimulées par le temps (kala) et l'action destinée à être accomplie (karma), la porte, du sommeil profond (2) s'ouvre.
Sur le seuil (3, le principe cosmique), le miroir (5, l’ego) réfléchit la lumière de l’Atman (1) qui tombe sur lui et illumine la chambre antérieure (8, l’état de rêve). Quand cette lumière réfléchie filtre à travers les fenêtres (6, les cinq sens), la cour (9, l'état de veille), est illuminée. Quand, sous l'influence du prâna, les forces vitales qui sont stimulées par le temps (kala) et l'action à accomplir (karma), la porte du sommeil profond (2) se ferme, l'ego disparait et avec lui les états de rêve et de veille qui y sont associés. Seul l’Atman, le Soi, continue à briller.
2.5Le jiva, la conscience conditionnée, a son siège dans les yeux, la gorge et le cœur au cours des états de rêve et de sommeil profond. Toutefois, le cœur étant son siège de base, le jiva ne perd à aucun moment contact avec lui, même quand il jouit des objets des sens dans l'état de veille et dans le rêve. Bien qu'il soit quelquefois dit que le siège du mental (manas) est la gorge, celui de l'intellect le cerveau ou le cœur et que le siège de l'ego est le cœur ou le corps tout entier, les Ecritures déclarent que le siège de l'organe interne (antakarana), qui est le nom collectif du mental, de l'intellect et de l'ego, est certainement le cœur.
L'expérience de chacun de nous est que, de fait, le siège principal de ‘Je’ est le cœur.

3 - Le monde (Jagat)

Introduction : La nature illusoire du monde et comment il n'est pas une entité indépendante de nous-même, sont expliqués dans ce chapitre.
3.1  - Création (Sristhi).
La seule intention des Védas est de démontrer que l'irréalité du monde est un fait absolu et de révéler Brahman. Ce n’est que dans le but de nous amener à la connaissance de Brahman que les Védas acceptent la théorie d'une création du monde : pour les esprits qui manquent de maturité les Védas expliquent au moyen de la théorie de création graduelle (krama sristhi) que l'énergie créatrice, le principe cosmique, les cinq éléments subtils, les cinq éléments concrets, le monde et le corps évoluèrent dans cet ordre tandis que pour les âmes de parfaite maturité, il est expliqué au moyen de la théorie de création simultanée (yukapad sristhi) que de la même manière que dans le rêve le monde vient à l'existence, à cause des pensées, elles-mêmes dues au fait que nous ne connaissons pas notre propre nature. Les Védas n'ont d'autre but que de démontrer, d'une manière ou d'une autre, que le monde est irréel, et de révéler la connaissance de la Réalité.
3.2  Le discernement entre 'ce qui perçoit' (drik : le percevant) et ce qui est perçu (drishya).
Drishya, ce qui est perçu Drik, ce qui perçoit :
Le corps, un pot L'œil, l'organe de perception.
L’œil La perception
La perception Le mental
Le mental Le jiva, l'individualité
Le jiva La conscience
Nous, qui sommes conscience, connaissons chacun des éléments énumérés ci-dessus, par conséquent nous sommes 'percevant' et, puisque nous percevons chacun des éléments en remontant jusqu'au corps ceux-ci sont ce qui est perçu. Parmi ces 'percevants' (drik) et ces 'perçus' (drishya) l'un est 'le percevanten relation à 'ce qui est perçu', ce 'percevant' devenant à son tour 'ce qui est perçu'. Par conséquent aucun d'entre eux ne peut être le percevant réel. Puisque nous seuls ne sommes perçus par rien d'autre et puisque nous seuls percevons tout, nous sommes le 'percevant' réel. Néanmoins, le mot 'percevant' n'est applicable qu'en relation à un 'perçu' et puisque tout ce qui est perçu n'est, en réalité, autre que nous-même, il n'y a pas de 'percevant'. Nous ne sommes donc ni 'le percevant' (drik) ni 'ce qui est perçut (drishya).
Nous seuls, contrairement aux autres éléments, ne tombons pas dans les catégories 'percevant' et 'perçu'.

4 - L'individualité (Jiva)

Introduction: Il est expliqué dans ce chapitre que la qualité distinctive de l'individualité (jiva) est la conscience réfléchissante du Soi (atman) et est, par conséquent de nature identique à l’Atman.
Le mental ne peut exister indépendamment de ce qui s'exprime sous forme de ‘Je’. L'ego et le mental sont une seule et même chose. De même qu'une personne reçoit différentes appellations de la part des membres de sa famille et selon ses occupations (père, fils, frère, ingénieur, etc.), mental (manas), ego (ahamkâra), intellect (buddhi) et mémoire (chittam) ne sont que les différents noms d'une seule et même chose. L'ego n'est pas différent de la conscience réfléchie, la conscience individuelle conditionnée (jiva) qui, elle-même, est le mental.
De même que le feu imprègne la boule de fer chauffée au rouge, c'est-à-dire qu'il assume la forme de la boule de fer, la nature du Soi (Atman) est conférée à l'ego simultanément à son lever. Il y a du feu dans la boule de fer : qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le feu apparaît comme faisant un avec la boule de fer dans laquelle il brille. Pareillement, le jiva, la conscience réfléchie, brille sous forme d'ego auquel elle confère sa brillance (chit prakâsha). Il n'y a donc pas un autre ‘Soi’agissant comme le témoin du jiva (jivasâkshi). Tel le feu dans la boule de fer, ce Soi, la conscience, brille inaltéré dans le cœur. C'est Brahman[18] qui, comparable à l'espace, brille sous forme de pure conscience (jnana), en tan tant que 'Soi' (Atman). La boule de fer estl'ego (ahamkâra) et la boule de fer chauffée au rouge, la conscience réfléchie, le jiva. Le feu dans la boule de fer est le Soi, la conscience témoin (sâkshi); le principe sans forme, le 'feu' est Brahman, le témoin de la Totalité.

5 - La Réalité Ultime (Param)

Introduction: Il est expliqué dans ce chapitre que la nature de "Je" (Ahamswarupa) est identique à celle du Soi, la réalité transcendante (Kadavul). Cela veut dire que la nature (forme) du Soi (Atmaswarupa) est l'Etre Suprême.
La série de principes (tattvas) qui apparaît intérieurement et extérieurement est appelée 'cœur' (hridaya) ou 'mental' (manas)[19]. Les principes (tattvas) désignent diverses choses :
  • La réalité (vastu).
  • Brahman.
  • La Vérité, le Vrai.
  • Tat : Cela, tvam : tu, tattvam : Tu es Cela.
Par conséquent, le corps, le monde etc., qui sont perçus extérieurement, ne sont que des formes mentales. C'est-à-dire que le lotus-du-cœur existe en tant que l'univers tout entier. La lumière de la conscience (Atmajyothi) brille dans tous les corps sous forme de "Je" au centre du lotus-du-cœur, c'est-à-dire dans l'espace mental (manokâsha). Puisque cette conscience brille ainsi dans tous les corps elle est appelée le 'témoin' (sâkshi)ou encore 'le quatrième' (turlya). Brahman, la réalité (vastu) qui brille solitaire, libre de ‘Je', dans tous les corps sous forme d'Espace-conscience (Atmâkâsha) ou encore Espace-connaissance (Jnânâkâsha) est appelée 'l'état qui transcende le quatrième état' (Turiyatita). De même que l'espace physique (bhûtâkâsha) qui tout à la fois est l'espace interstitiel dans la flamme[20] et l'espace au-delà de la flamme, cette réalité (vastu), qui est l'espace-­connaissance (Jnânâkâsha) brille sans limite à l'intérieur et à l'extérieur de la lumière de Turiya, le quatrième état. Imaginons que la lumière, qui fait un avec la flamme, brillant de toutes parts à l’infini est notre réalité authentique - mais plutôt, ne prêtons pas attention à la lumière - il est suffi­sant de saisir que la réalité (vastu) est là où il n'y a pas de 'Je' (de pensée-Je). Le fait que chacun de nous touche sa poitrine en disant ‘Je’ pour se désigner témoigne que Brahman, l'Etre transcendant originel, brille dans le cœur de chacun, c’est pourquoi on Lui a donné aussi le nom de 'Cœur'. Se détourner de la Lumière divine qui brille spontanément dans le cœur sous forme de "Je-Je", notre être naturelle, et la chercher comme si Elle était autre que nous c'est jeter au loin la pierre précieuse qui est dans notre main et partir à la recherche d'un coquillage sans valeur" nous dit Vashishta[21]. Les védantins considèrent que dégrader la Réalité transcendante (Kadavul), qui est l'unique Soi, qui créé, maintient et dissout, en créant des formes telles Ganapathi, Brahmâ, Vishnu, Rudra, Maheshwara,Sadâshiva, etc., par l'artifice de nos pensées est un grand sacrilège.

6 - La Connaissance de Brahman (Brahmavidyâ)

Introduction: Le chemin menant à la connaissance de Brahman est révélé dans ce chapitre.
Ce qui est appelé 'la cité de Brahman' (Brahmapura) est le corps. Sur le trône, le lotus-du-cœur, siège le jiva, l'individualité qui, afin de prendre conscience de sa réalité (Shiva linga), doit apaiser dans le cœur le mental dont la forme est l'ego (ahamkâra), qui erre ici et là, identifiant le sentir 'Je' au corps. Si, l'identification au corps ‘le suis le corps’ étant abolie, on cherche intensément ce "Je" qui maintenant brille sans vaciller, dans le corps une pulsation (sphurana) "Je - Je" extrêmement subtile s'élèvera. On doit adhérer inébranlablement à la conviction (bhâvana) que cet état d’être, dont la forme est Je, est l’état suprême libre d'intérieur et d'extérieur, et qui, bien que ‘n’étant aucune chose brille en tant que toute chose’[22]. L'état atteint au moyen de la méditation 'soham bhâvana', ‘Je suis Cela’, est appelé turiya, le quatrième état. Turiyitlta, l'état qui transcende turiya, reçoit de nombreux noms :
  • Le ‘Soi transcendant de la réalité' (paripurna paramâtman), à l'intérieur de la flamme décrite plus loin (dans le chapitre " Les Huit membres du yoga").
  • La ‘lumière qui brille d’elle-même' (antarkadam jyothi).
  • L’espace du cœur (hridayâkâsha).
  • La ‘cavité du cœur' (daharâkâsha).
  • L'espace conscience (chitâkâsha), qui est le siège de l’espace mental (manokâsha).
  • L’espace dans lequel la conscience est consciente d'elle-même' (jnânâkâsha).
  • La Lumière transcendante de la conscience (chidambara).
  • L'état de bonheur plénier (Shivam).
  • Le Soi' (âtman).
  • La conscience (jnâna).
Au moyen de la pratique ferme et prolongée de la méditation soham bhâvana, "Je suis Cela", l’ignorance présente dans le cœur, et tous les asservissements qui en découlent, se dissiperont et la conscience plénière (paripurna jnana) sera restaurée. Prendre conscience de la réalité qui réside dans la grotte du cœur, sise dans le corps, la cité de Brahman (Brahmapura) est connaitre Brahman, car la Totalité est le forme amplifiée (macrocosme) du corps (microcosme), en d'autres mots, c'est connaitre la grotte du cœur décrite précédemment. Ceci est confirmé par les paroles de la Gita : « Le Jnani réside bienheureux dans la cité du corps aux neuf portes »[23].
Et aussi par les paroles des Vedas : « Le corps est le temple de Dieu, jiva est Shiva ». Lui offrir leculte dans l'attitude "Je suis Cela" (Soham bhâvana) accorde la libération (mukti). C'est la réalité transcendante qui est ‘Guhesha la divinité qui réside dans la grotte du cœur (hridaya guha) sise dans le corps, composé des cinq gaines (koshas). Ce qui est appelé le ‘culte du cœur’ (daharonasana) et aussi ‘la science du cœur’ (daharavidya) est le chemin qui mène à la connaissance de l'Être en soi (Brahmavidya).
Que dire de plus ? Il nous incombe de réfléchir profondément et de comprendre intuitivement.

7 – Le culte de la Réalité Transcendante (Kadevul)

Introduction: Il est expliqué dans ce chapitre que le culte excellent rendu à Dieu, qui est aussi la meilleure des ascèses (tapas) est de porter l’attention sur notre être essentiel (swâtma bhâvana) et de nous souvenir de notre forme (nature) authentique sans le moindre oubli (swaswarupamarana).
L'objectif du culte libre de forme (nirguna puja) est de ne pas se dessaisir de l'attitude intérieure (bhâvana) "Je suis Brahman" (Aham Brahman); cette attitude est, en elle-même, offrande, charité, ascèse, vœux, japa, yoga et rites. Quelles que soient les formes qui apparaissent dans le mental, faisant obstacle à cette attitude intérieure, nous ne devons pas permettre à notre attention de s'y intéresser, mais la fixer sur l’être qui lui est propre. Il n'y a pas de moyen de surmonter les obstacles, autre que cultiver l'habitude d'être le témoin (sâkshi) indifférent envers quoi que ce soit qui se déroule devant nous. Etant donné que Dieu brille en tant que Soi, nous ne devons pas abandonner notre propre être[24].
L'essence de toutes les pratiques: yoga, méditation, recherche de la connaissance, dévotion, mantra japa etc. est de fixer l'attention sur le sentir ‘Je’ (aham) dans le cœur. Si le mental est contrôlé, tout le reste est contrôlé. Kundalini n'est autre que le mental. A ceux dont l'entendement est limité[25] il est dit que kundalini a la forme d'un serpent. Les visualisations des six centres subtils (chakras) sont des constructions faisant appel à l'imagination et ne s'adressent qu'aux novices. Quand, ne sachant rien du culte intérieur[26] nous rendons le culte à une forme (Vigraha), c'est en fait notre propre présence qui est consacrée dans cette forme. Par conséquent, si nous prenons conscience de nous-même, qui sommes la conscience au moyen de laquelle tout est perçu, tout sera connu et compris. Si nous, qui sommes entrainés par de nombreuses associations de pensées (bhâvana), maintenons intensément notre pouvoir d'association sur notre être essentiel, qui est la réalité transcendante (Kadavul), cette pensée concentrée en un seul point mettra fin à toutes les autres, et elle-même disparaitra finalement. Le 'connaître' qui subsiste alors est 'connaitre la réalité immanente’ (vastu), qui n'est autre que la Divinité transcendante (Kadavul). L'objectif final du yoga, de la connaissance et de toutes les autres pratiques, est de nous amener à maintenir l'attention en union avec la plénitude parfaite qui est notre Soi véritable, sans oubli[27] (swârupa­smarana). Aussi longtemps que le mental s’évade de sa nature essentielle et s'extériorise vers les choses et les activités du monde, il doit être ramené en lui-même au moyen de la réflexion : « Je ne suis pas le corps, mais alors, qui suis-je ? ». Peu importent les explications, répétées encore et encore, chercher "Qui suis-je ?" est la méthode de premier ordre pour abolir tous les maux et gagner la félicité.

8 – Libération (Mukti)

Introduction: Il est expliqué dans ce chapitre qu'au moyen d'une méditation convaincue, assidue et prolongée, en pratiquant « Shivoham », « Je suis Shiva », ou en d'autres termes : « Atmave nâne », « Je suis pure conscience », il est possible d'obtenir la libération (mukti). Les caractéristiques du Jîvanmukta, le libéré dès cette vie, et celles du Videhamukta sont aussi décrites.
8.1 - Bien que la nature essentielle de l'individualité (jiva) soit le pur mental, c'est à dire « Etre conscience », Soi-même, il est asservi sous forme de 'mental' et sous le nom de 'jiva' en raison d'un voile qui n'est autre que l'oubli de ce qu’il est réellement; par conséquent, la recherche de son être véritable, ce qu'il est de tout temps, ressemble à la recherche du berger pour l’agneau, qu'il porte sur ses épaules.
Il peut arriver qu'une fois, au cours de sa recherche, le jiva, qui a oublié qui il est réellement[28],prenne conscience de son identité réelle. Toutefois une telle expérience ne peut qu’être momentanée, car les tendances (vasanas) accumulées en raison de son identification avec le corps, de naissance en naissance, l'entrainent irrésistiblement à oublier à nouveau qui il est véritablement et font, de ce fait, obstacle à la libération, la prise de conscience de soi-même (atmasatshatkara)[29]. Seule une pratique intense et prolongée de discernement et de recherche - "Je ne suis pas le corps, alors qui suis-je ?" – peut éliminer ces tendances accumulées de longue date. Afin d'effectuer la destruction du mental (manonasha), constitué de tendances latentes (vasanas), sans laquelle il ne peut gagner la connaissance intime de son être véritable, l'expérience d'unicité (kaivalyam) avec l'Etre originel (Brahman), le jiva, dont le mental a assumé la forme de l'ego (ahamkara)[30] et qui est troublé par la méprise "Je suis le corps" doit se livrer durant une longue période, à la méditation « Je suis l’Etre divin incréé, l’Etre tous les êtres." De la même manière que le bâton qui servit à attiser le bucher funéraire est lui aussi finalement consumé, la destruction du mental (manonasha) est effectuée à l'aide du mental maintenu en adhérence constante avec la pure conscience, son être véritable[31].
Ce qui est appelé libération, le Soi, l'Etre omniscient, l'ineffable Sérénité (Shivam), désigne une seule et même réalité (vastu). Peut-on devenir un officier de haut rang à la seule vue d'un officier ? Il est bien évident que le grade ne peut être obtenu qu'au moyen des efforts appropriés; de même, comment le jiva oui, en tant que mental, est pleinement asservi au déroulement des pensées, pourrait-il par une seule prise de conscience de son être originel rejoindre le Soi divin radieux, ce qui n’est rendu possible que par la destruction du mental ? Comment un mendiant pourrait-il dire "Je suis le Roi" à la seule vue du roi[32] ? A moins de pratiquer assidument et pendant longtemps la méditation « Je suis pure conscience » (Atmave nane), ou « Je suis Shiva » (Shivoham), mettant fin ainsi à la nature asservissante du mental, l'état de parfaite sérénité (Shivam), au-delà des activités du mental, ne peut être atteint. Les Ecritures annoncent "Jiva est Shiva, Shiva est Jiva", ce "Jiva n’estautre que Shiva". Le grain de riz est appelé 'nèl' aussi longtemps qu'il est enserré dans la balle et 'ariçi' quand il est décortiqué et libéré de sa balle[33]. Similairement, nous sommes 'jiva' aussi longtemps que nous sommes pris dans le lien des actions (karmas). Dès que le lien de l'ignorance (ajnana) est rompu nous brillons, en tant que 'Shiva', le Divin que nous sommes de tout temps.
Les Textes proclament aussi : "Le mental dont la forme est l'ignorance (ajnana) qui demeure dans le cœur doit être subjugué dans le cœur même, jusqu'à l'extinction complète de l'entité personnelle, la projection (sankalpa) 'Je'. Ceci est la connaissance (jnana) et aussi la véritable méditation."
Le verdict final des Ecritures est que nous devons L'atteindre et plonger fermement le mental en Lui. Tout le reste n'est que prolifération de mots et élaboration de textes.
8.2 - De même qu'un acteur brahmane n'oublie pas qu'il est un brahmane quels que soient les différents rôles et déguisements qu'il assume, nous ne devons pas abandonner la ferme conviction (bhâvana) « Je suis le Soi Conscience » quelles que soient les activités qui nous incombent et qui accroissent l'identification « Je suis le corps ». Le mental s'apaisant de plus en plus en sa propre nature, la sérénité du Bien-Etre ineffable se révèlera. Dès lors, les peines et les plaisirs résultant du contact avec les objets du monde cesseront de l'affecter. Tout sera considéré sans le moindre attachement, à la façon dont on se souvient d'un rêve en état de veille. Il est nécessaire de neutraliser le flot des pensées (la force de projection) dès qu'elles s'élèvent, en fixant le mental (l'attention) en sa source, sans donner prise aux pensées telles que : « Cela est-il bien? Ceci est-il meilleur ? »,  « Dois-je faire ceci ou plutôt cela ? » etc.
Permettrions-nous au mental de penser, un tant soit peu, qu'il nous amènera à notre perte[34]... Nous devons fixer le mental en sa source au lieu de donner libre cours aux projections mentales (samkalpa), qui constituent l'asservissement et qui s'élèvent en raison des tendances accumulées (vasanas), nous devons aussi adopter une attitude de détachement envers les choses du monde. N'est-ce pas en raison de l'oubli de Soi-même que les conceptions erronées vont en se multipliant ? Bien que la pratique de la discrimination : « Je ne fais rien, toutes ces activités sont les activités des trois instruments (trikarana) » soit une technique pour ramener à se source le mental qui s'extériorise au long du flot
des pensées (c'est-à-dire les tendances accumulées, les vasanas), cette discrimination est une pensée, mais néanmoins une pensée nécessaire. Comment le mental, qui est établi dans son état d’être divin (atmadevam) et, en conséquence, n'est pas affecté par le déroulement des activités, pourrait-il se livrer à une telle pensée (bhavana) « Je suis le corps; je me livre à des activités », mais plutôt « Non, je ne fais rien, toutes ces activités sont celles des trois instruments (trikarana) ». Peu importe le nombre d’efforts, nous devons nous efforcer progressivement de ne pas oublier ce que nous sommes réellement : l'Etre transcendant (Kadavul). Quand ceci est accompli tout le reste est accompli.
Bien que nous soyons engagés dans des activités, qui se présentent à nous en raison du prârabdha, nous ne devons pas permettre au mental de suivre le flot des pensées vers les objets extérieurs; nous devons demeurer dans notre propre état et, comme le fou, être libre de la pensée « J'agis ». De nombreux dévots[35] ne se sont-ils pas livrés à d'innombrables activités sans pour cela dévier de leur dévotion (bhakti), dans une attitude de détachement ?
8.3 - Tout comme l'espace (akasha) est pur, le mental (manas), qui consiste en satva guna, est essentiellement pur et est, par conséquent, appelé 'espace-mental' (manokasha). Par un processus de densification dû aux mouvements de rajoguna combiné à la force de concrétisation de tamoguna, le pur mental se manifeste sous la forme concrète du monde physique. En conséquence, la réalité (vastu ) ne peut être appréhendée[36] au moyen du mental dominé par tamoguna et rajoguna, l'un dense et l'autre agité par nature. Quand en raison des actions désintéressées (nishkamya karma) accomplies au cours de nombreuses vies, le mental est libéré de ses défauts et prête attention, réfléchit profondément, et se livre à la méditation ininterrompue (qui consiste en une attention vers le pur Etre Brahma dhyana) pendant une longue période, il sera libéré du défaut causé par tamoguna, la force qui concrétise l'état subtil[37] en formes concrète, du monde et des effets de rajoguna, le mouvement incessant. Le mental maintenant extrêmement subtil et libre de tout mouvement, a le pouvoir d'appréhender pleinement le Bien-Etre ineffable (swarupa ananda) qui lui est naturel. Celui qui, au moyen du mental subtil, faitl'expérience de son propre Etre est un libéré dans cette vie (jivanmukta). C'est au moyen de cet Espace-mental (manokasha) que les yogis connaissent toute chose et c'est ce même Espace-mental qui est appelé « l'Etre libre de tout attribut » (nirguna Brahman) dans la Rama Gita. Ce qui transcende cette expérience (anubhâva) et ce qui est au-delà de la parole et de l'entendement est appelé l’Etre transcendant (nirgunatita Brahman). Le Videhamukta est celui qui est établi dans cet état plénier indivis - en d'autres mots, celui qui, ayant perdu même l'Espace ­mental subtil (sukshma manokasha), s'est absorbé dans l'océan de félicité dans lequel rien ne s'élève -- pas même l'expérience de son propre Etre. Le Videhamukta est celui qui a transcendé l'expérience corporelle. Il n'y a pas d'état qui lui soit supérieur, cet état est l'état ultime.
8.4 - Quand le pur mental extériorisé prend conscience de son être véritable (atmakaravritti), l'identité « Je suisBrahman » (Aham Brahman) devient naturelle. Dès lors, les mouvements du mental et les pensées dirigées vers le monde s'effacent progressivement. Les obstructions étant éliminées, nous ferons pleinement l'expérience de Brahman, notre Etre authentique. Etant donné qu'il ne peut y avoir d'expérience sans mental, cette expérience plénière de notre véritable identité dans laquelle nous sommes Brahman n'est possible qu'au moyen d'une modification extrêmement subtile du mental (sukshma manovritti). Cette expérience intuitive ne se présente plus dans l'état de Videhamukti, cet état de dépassement est transcendant (atita). Bien que celui qui est animé de la certitude inébranlable « Je ne suis pas le corps. Mon être véritable est l'Être en soi, Brahman » soit un libéré dans, cette vie (jivanmukta) il se peut qu'il semble parfois malheureux ou que les mouvements du mental ne soient pas apaisés en raison de ce oui se présente à lui en vertu du déroulement du prarabdha. Quoi qu'il en soit, la félicité propre à l'état du jivanmukta ne peut s'élever que dans un mental rendu extrêmement subtil et serein par une méditation prolongée.

9 - Les huit membres du yoga (yoga ashtanga)

Introduction: Dans ce chapitre est décrite la pratique du yoga qui mène à la prise de conscience de Soi-même au moyen de la maîtrise du mental effectuée par le contrôle du souffle.
9.1 - En vue de l'accomplissement de la méditation indiquée dans le chapitre précédent, les pratiques telles que yama, niyama, etc. sont succinctement décrites ci-dessous. La voie de la connaissance (jnana) et celle du yoga étant différentes, les moyens qui s'y rapportent sont de deux sortes. Par la pratique du yoga (Raja yoga) le souffle (prana) est contrôlé tandis que le mental est maîtrisé[38] dans la voie de la connaissance. Le sadhaka trouvera l'une ou l'autre de ces voies plus facile selon ses tendances (vasanas) et selon sa maturité. Etant donné que le mental est maîtrisé au cours du contrôle du souffle, et que le souffle est contrôlé au cours de la pratique de la maitrise du mental, ces deux voies ont un but commun: la maitrise du mental.
9.2 - Les huit membres du yoga (yoga ashtanga) sont les suivants: yama, niyama, asana, pranayama, prathyahara, dharana, dhyanaet samadhi.
Yama consiste à développer les habitudes de conduite juste : ­non-violence, vérité dans les paroles et les actions, abstention de convoitise[39], célibat, non acceptation de dons et absence de désir envers les possessions.
Niyama est la pratique d'observances : pureté, contentement, austérité, études des Textes et dévotion envers Dieu.
Il y a 84 postures (Asanas) principales, parmi elles 4 sont très appréciées. Les traités sur le yoga déclarent que parmi ces 4, siddhasana est excellente[40].
Pranayama est le contrôle du souffle effectué sur l'expiration (rechakam), l'inspiration (purakam) et la rétention (kumbakam).Les textes qui expliquent la pratique du pranayama disent que l'inspiration et l'expiration doivent être de même durée, tandis que la rétention doit être de durée double. Il est aussi dit dans le Raja yoga que la durée de la rétention doit être quatre fois celle de l'inspiration et deux fois celle de l'expiration. Cette dernière méthode est préférable.
Si le sadhaka pratique le contrôle du souffle décrit ci-dessus régulièrement et sans forcer, une légère fatigue du corps s'ensuivra qui incitera progressivement le mental à demeurer paisible, sans mouvement, dans un état de joie tranquille.
Prathyahara est le contrôle des facultés sensorielles. Le mental extériorisé vers les noms-formes, les objets des sens, doit être maintenu dans une seule direction. Etant donné que jusqu'à présent le mental s'était habitué à vagabonder, il lui est difficile de se tenir tranquille.
Les moyens suivants sont d'un bon secours :
1.        la répétition mentale de mantra tel que le pranava OM etc.
2.        fixer l'attention entre les sourcils.
3.        fixer le regard sur le bout du nez.
4.        Ecouter alternativement et avec soin le son qui s'élève des oreilles. Essayer d'entendre avec l'oreille droite le son qui s'élève de l'oreille gauche et vice-versa.
Le mental s'étant recueilli au moyen de ces aides, le sadhaka doit s'engager dans la pratique suivante.
Dharana est le maintien de l'attention sur un seul objet. Le mental doit se fixer sur un centre favorable à la méditation tel que le cœur (hridaya) ou le sommet de la tête (brahmarandra). Si le mental, l’attention, est concentré sur le cœur un lotus de huit pétales sera visualisé; bien qu'il soit dit que le lotus visualisé au sommet de la tête consiste en mille pétales, il ne comprend en fait que huit pétales majeurs ayant chacun 125 pétales mineurs. Selon le centre choisi pour la méditation, le sadhaka doit visualiser au centre du lotus soit la Forme divine de prédilection (upasya devata), soit l'essence de cette même Forme divine brillant sous forme d'une flamme et y maintenir fermement le mental.
Dhyana est la méditation, qui consiste à retenir cette forme visualisée et, selon la nature de la méditation, répéter : " Je n'ai pas d'existence indépendante de cette forme divine" ou bien : "L'essence de cette flamme est mon propre Soi", en d'autres termes, à établir l'attitude : " Je suis Lui" (Soham). Il est dit dans les écritures que l'omniprésent Brahman resplendit dans le cœur sous forme de "Je", le témoin de l'intellect (buddhi sakshi).
Si l'on recherche "Qui suis-je ?", le Soi divin (atma deva) brillera sous forme d'une pulsation spontanée "Je - Je" (sphurana) dans le lotus du cœur. Ceci aussi est une forme de méditation, supérieure à toute autre. Que chacun se livre à l'une ou l'autre de ces méditations selon ses capacités.
Samadhi est l'état extrêmement subtil d'absorption dans l'objet de méditation, obtenu lorsque, la pratique de la méditation ayant atteint un degré de parfaite maturité, celui qui médite s'absorbe dans l'objet de sa méditation, perd le sentiment qu'il médite ou celui de son individualité, ou quand la pulsation "Je - Je" (sphurana) s'efface. Cet état de samadhi confère le bonheur ineffable, toutefois, l'aspirant doit demeurer extrêmement vigilant afin de ne pas être envahi par le sommeil.
Dieu (Ishwara) nous accordera sans tarder la sérénité suprême, le refuge ultime, si cette pratique est accomplie progressivement, dans la mesure du possible et quotidiennement.
Chacun des huit membres du yoga sont expliqués dans les textes appropriés, la description ci-dessus est donc limitée au strict nécessaire. Ceux qui désirent approfondir le sujet doivent s'adresser aux yogis qui ont l'expérience de la pratique, et suivent les textes traditionnels.
9.3 - Pranava se compose de trois lettres: A, U, M, chacune représentant une unité de son (matra). Un demi-son (amatra) est ajouté à ces trois sons. Les trois sons et le demi-son constituent la syllabe OM (Omkara).
Le son 'A' désigne l'état de veille (jagrat), le jiva qui fonctionne dans le corps physique (vishva jiva), le corps physique (sthula deham) et la création (sristhi). Le son 'U' (OU) désigne l'état de rêve (swapna), le jiva lumineux (taijasa jiva), le corps subtil (sukshma deham) et la préservation (sthiti). Le son 'M' désigne l'état de sommeil profond (sushupti), le jiva dans sa nature de pure conscience (prajna jiva), le corps causal (karana deham) et la dissolution (samhara). Le demi-matra désigne le quatrième état : turiya, Atman, le Soi et "Je" (aham). Il est dit que l'état au-delà de turiya (turiyatita) est ananda matra, le mâtra de la sérénité ineffable[41].
Turiya, le quatrième état, qui constitue la nature de "Je" (aham), est appréhendé au moyen de la méditation décrite dans le paragraphe précédent. En lui-même, cet état contient les trois autres matras unifiés. On dit qu'il est 'sans son' (amatra), le mantra silencieux (mauna mantra), le mantra non-formulé (ajapa), au-delà de tout effort, le mantra non duel (advaita mantra), ainsi que l'essence de tous les mantras tel que le mantra composé de cinq sons : "Namashivaya" (Obéissance à Shiva) etc. C'est en vue de gagner l'expérience authentique du pranava qu'il a été conseillé de répéter le mantra silencieusement, mentalement, dans la pratique du contrôle des facultés senso­rielles (prathyahara).
9.4 - Les Védas disent que le sadhaka ardent, le mumukshu[42], atteint la libération[43] au moyen de la méditation sur la réalité (vastu), qui est appelée 'la Demeure de Shiva' (Kaïlash), 'la Demeure de Vishnu' (Vaikunta) et aussi 'la Demeure Suprême' (Paramapadam). Elle brille sous forme d'une flamme aussi intense que l'éclair, de la taille du pouce, sise au centre du lotus-du-cœur au huit pétales et qui est l'essence de tout. Toutefois, cette méditation est de nature duelle et donne, par conséquent, lieu à un sentiment de différence entre 'Cela' (l’objet de la méditation) et soi-même. Elle donne aussi lieu à un sens de limitation quant au lieu, la taille et la forme de l'objet de méditation. Afin d'éliminer ces anomalies, il est aussi expliqué que cette flamme est Soi-même, qui brille sous forme de pulsations « Je - Je » (sphurana) et que, par conséquent, on ne doit pas méditer sur elle en tant « qu'autre », mais la considérer en tant que Soi-même durant la méditation. Il n'y a pas lieu de mettre en doute les paroles des Ecritures. La méditation qui consiste à maintenir l'attention sur Soi-même, décriteen dernier lieu, est la meilleure puisqu'elle est le but des autres méditations, qui ne sont décrites qu'afin de nous mener à ce but. Chacun doit, selon le degré de maturité du mental, adopter la forme de méditation qui lui convient.
Bien que les formes de méditations semblent être différentes, elles se joignent en une seule, en fin de pratique. Les textes védantiques déclarent : "Se connaître Soi-même est connaitre la Réalité transcendante. Méditer sur Dieu - que nous considérons comme étant différent de nous-même, sans connaître la nature véritable de celui qui médite, revient à essayer de mesurer notre propre ombre à l'aide de notre propre pied: plus l'on mesure, plus l'ombre recule. »
Par conséquent, la meilleure forme de méditation est de maintenir l'attention sur son être véritable puisque le Soi est l'essence de toutes les formes divines (ou de toutes les divinités).

10 - Les huit membres de la voie de la Connaissance (Jnana marga asthanga)

Introduction: Dans ce chapitre est décrite la voie de la connaissance qui conduit à la prise de conscience de Soi-même, au moyen de l'attitude : « Je suis Brahman, l'unique Etre non-duel" et à voir toute chose pénétrée de cette réalité (vastu).
Les huit membres de la connaissance sont les mêmes que les huit membres du yoga, toutefois leur définition est différente.
Yama : contrôler les sens par le discernement et percevoir les défauts du monde, à partir du corps, etc.
Niyama: rejeter les pensées défavorables[44] et maintenir un courant de pensées favorables[45].
Asana: dévotion envers le Soi. La posture du mental par laquelle la méditation constante sur Brahman peut s'élever[46].
Pranayama: le rejet des noms-formes (les deux aspects interdépendants - le corps et l'univers) constitue l'expiration (rechakam). L'appréhension des trois aspects (Etre, Conscience et Sérénité ineffable[47], qui pénètrent les noms et les formes) constitue l'inspiration (purakam). La rétention intérieure de ces trois aspects constitue la rétention (kumbakam).
Prathyahara: la pratique vigilante de protection du mental de toute association avec les noms-formes préalablement rejetés.
Dharana: maintenir dans le cœur, la conviction (bhavana) que la nature de Soi-même est Être- conscience-sérénité ineffable, sans lui permettre de s'extérioriser.
Dhyana: le sadhaka qui, au cours de l'expiration a rejeté le corps, qui est inerte tel un cadavre, et est le nom-forme composé des cinq gaines (koshas), comme n'étant pas lui-même, doit alors chercher « Qui suis-je » et adhérer fermement à son être véritable (aham swarupa), qui brille maintenant spontanément en pulsations « Je – Je » (sphurane).
Les exercices yogiques (asana) et pranayama ne sont pas nécessaires pour les pratiques qui se rapportent à la voie de la connaissance décrites ci-dessus. Ces dernières peuvent être adoptées en tout lieu et en tout temps. Le seul but est d'établir le mental dans la Divinité qui brille dans le cœur en tant que notre propreSoi, L'y maintenir et ne pas l'oublier. Les Grands disent que l'oubli est la cause de toutes les vicissitudes et la mort pour les mumukshus, ceux qui aspirent à la libération des cycles des naissances. On peut mettre en doute l'utilité du pranayama décrit dans le chapitre précédent: à cela nous répondrons que bien qu’il soit utile, son utilité se limite aux périodes de pratique tandis que le pranayama décrit ci-dessus peut être pratiqué à tout moment. Le but de la pratique du yoga (yoga pranayama) et du non-oubli (jnana pranayama) est d'amener le mental à demeurer dans le cœur. Par conséquent, l'inspiration (purakam) et l'expiration (rechakam) ne sont utiles qu'aussi longtemps que le mental n'est pas absorbe dans le cœur, soit par l'accomplissement de la rétention du souffle (prana), soit au moyen de la recherche (vichara). Ceci étant accompli, ils ne sont plus nécessaires. La rétention du souffle (kevala kumbakam) est l'absorption sans effort du prana dans le cœur sans l'assistance du contrôle conscient de l'inspiration et de l'expiration. La distinction entre les huit membres du yoga et les huit membres de la voie de la connaissance (jnana marge) est amplement expliquée dans les textes traditionnels par conséquent ces deux voies ne sont que succinctement décrites ici.
Chacun doit pratiquer tantôt la voie de la connaissance, tantôt celle du yoga, ou même les deux, selon les circonstances qui se présentent.
Le dessein de tous les textes védantiques est d'accomplir l'effacement du mental (manonasha) puisque cela seul est libération. Le yoga et la voie de la connaissance (jnana marga) sont les deux principaux moyens qui y conduisent : le yoga accomplit le contrôle du souffle, tandis que la connaissance nous conduit à appréhender la réalité (vastu) par la pratique de l'attitude (bhavana) : « Je suis Brahman, l'Etre originel, non-duel ». L'une ou l'autre de ces méthodes semblera plus aisée selon les pratiques antérieures. Ceux qui savent disent que la voie de la connaissance peut être comparée à la tactique de cajoler un taureau obstiné au moyen d'une touffe d'herbe appétissante, tandis que la pratique du yoga est de lui donner des coups et de le lier de force. Les sadhakas hautement qualifiés qui, au moyen de la recherche védantique ont acquis une compréhension ferme et lucide de la réalité, considèrent toute chose comme étant eux-mêmes en tant que cette réalité (vastu). Quelques aspirants, moyennement qualifiés, atteignent l'état décrit ci-dessus par la méditation qui consiste à fixer le mental (l'attention) dans le cœur conjugué à la rétention du souffle et s'étendant sur une longue période. D'autres aspirants, ceux peu qualifiés, atteignent graduellement les états cités ci-dessus au moyen du contrôle du souffle, etc.
Par l'élimination du mental chacun d'entre eux gagnent la libération.
Samâdhi: la prise de conscience de Soi-même, ainsi que l’état naturel (sahaja) qui transcende cette expérience, est obtenu par la pratique progressive et sans heurt, qui mène à la rétention du souffle sans l'assistance de l'inspiration et de l'expiration, associée à la recherche (vichara) et par l'établissement du mental dans le cœur au moyen d'une. Dévotion sous forme de méditation ininterrompue.
Dès que la pratique s'effectue naturellement il n'est plus nécessaire de s'attacher à un lieu spécial et à un temps spécial pour s'y livrer; on peut s'y adonner de tout temps autre que celui des activités.
Chacun doit choisir celle des deux méthodes qui lui semble la plus aisée. Si le mental est graduellement calmé il n'est pas nécessaire de se préoccuper si les pratiques continuent ou cessent spontanément. Sri Krishna dit dans la Gita que les bhaktas sont supérieurs aux yogis. Le Védânta dit aussi que la pratique de la dévotion envers notre propre forme (nature), c'est-à-dire notre Être authentique mène à la libération. Par conséquent, si, par l'une ou l'autre méthode, nous acquérons le courage de fixer sans interruption le mental en Lui, pourquoi devrions-nous nous préoccuper de ceci ou de cela ?

11 - Renoncement (sannyas)

Introduction: Il est expliqué dans ce chapitre que le renoncement (sannyas[48])consiste uniquement à renoncer aux pensées.
Seul le renoncement à la pensée « Je » est sannyas et non le renoncement aux objets extérieurs. Qu'il soit en réclusion, ou engagé dans les activités du monde, ne fait aucune différence pour celui qui a accompli le renoncement. Le rishi Vasishta nous donne les exemples suivants : tout comme un homme dont le mental est absorbé dans un flot d'activités ne voit pas un objet proche de lui, le jnani, dont le mental est libre de la pensée 'Je', demeure toujours absorbé en sa source et n'est, par conséquent, l'auteur d'aucune action, quel que soit leur nombre. Par ailleurs, tout comme un homme étendu sur son lit a l'impression au cours d'un rêve de culbuter tête la première, l'ignorant (ajnani, celui dont la pensée 'Je' n'est pas tranchée[49]) reste l'auteur de toute activité quand bien même il demeure en méditation constante ou en réclusion.


[1] Dans les "Collected Works" une invocation est présente en début de texte. Elle ne se trouve pas dans l'original et Natanananda Swami, qui rédigea le texte pour la publication n'en connait pas l'auteur.
[2] Terminologie selon différentes écoles de pensées. La signification de ces termes se trouve dans le glossaire. Tout au long du texte on retrouve une terminologie tantôt Shaïva Siddhanta, tantôt Vedanta., ainsi que celle du Raja Yoga.
[3] Sous-entendu, sans formuler la pensée ‘Je’ mentalement.
[4] Voir note au paragraphe 4 de « Qui suis-je ? »
[5] Physique, subtil et causal.
[6] En majuscules, dans le texte.
[7] Il s’agit ici de l’enseignement du Vedanta.
[8] Le facteur de manifestation.
[9] Upadhi : de même que le fer ou le bois ont besoin d’une forme pour se manifester, d’un véhicule, aucune manifestation ne peut se produire sans un véhicule (upadhi), un matériau de transmission plus ou moins dense ou subtil.
[10] Arrivu, dans l’original. Désigne les connaissances accumulées, c'est-à-dire la mémoire.
[11] La faculté de désirer.
[12] La faculté de déterminer.
[13] Une parenthèse se trouve dans l’original, par laquelle le Maharshi explique les termes sanscrits, ce qui est fait automatiquement au cours de cette traduction.
[14]  Tout comme le lotus ne peut éclore sans la lumière du soleil, le mental ne peut fonctionner indépendamment de la conscience.
[15] Ici, absence de connaissance.
[16] Cette perception erronée est l’acte de connaissance qui nous fait prendre un ‘morceau de corde’ pour un ‘serpent’, selon l’exemple classique par lequel est décrite la surimposition du monde sur Brahman.
[17] Mahatattva:1a source de l'égo, qui est la source de l'univers.
[18] De même que l’espace, Brahman est sans forme.
[19] Le mental est appelé ‘cœur’ quand il est tourné sur lui-même et ‘mental’ quand il est tourné vers l’extérieur.
[20] Cette description fait appel à une forme de méditation, enseignée dans le Raja Yoga.
[21] « Jnana Vashishta », Upasanti V, prakarana 1.
[22]  Littéralement « en tant que tout et cependant en tant que rien ».
[23] Bhagavad Gita, V,13.
[24] Littéralement « nous ne devons pas nous séparer de nous-mêmes, de ce que nous sommes réellement ».
[25] Limité par l’identification au corps.
[26] Littéralement « Quand ne connaissant pas l’existence du culte intérieur ».
[27] C’est-à-dire sans permettre à l’attention de s’évader.
[28] Littéralement « qui s’est oublié lui-même ».
[29] L’expérience vécue « Je Suis, cela Je Suis » de notre Etre véritable, originel.
[30] On devrait traduire par le « mental egoifié ».
[31] Voir « Huit strophes à Arunachala », strophe 5.
[32] A la vue du Roi, le mendiant devient pleinement conscient de n’être qu’un mendiant, et son humilité s’en trouve approfondie.
[33] Dans la langue tamoule le nom du riz varie selon son degré de croissance et ce, jusqu’à la cuisson : il pousse sous le nom de ‘nèl’, se récolte comme ‘paddy’, s’appelle ‘ariçi’ quand il est décortiqué et ‘sâdame’ quand il est cuit !
[34] Littéralement, « nous fera basculer, tête la première ».
[35] Littéralement « esclave de Dieu ».
[36] Littéralement « il ne peut y avoir de vision (darshan) de la réalité immanente ».
[37] C’est-à-dire la Forme qui n’a pas de formes.
[38] Le Maharshi emploie le mot ‘banda’ qui signifie ‘lié’, ‘entravé’, pour désigner le contrôle du souffle, tandis qu’il emploie le mot ‘nigraha’, qui a la même signification, pour désigner la maitrise du mental. Ce mot sanscrit signifie aussi ‘élimination’, ‘destruction’ lorsqu’il est employé dans des textes tamouls. Il est donc sous-entendu que le souffle ne peut être que temporairement contrôlé, mais que l’activité du mental doit être éliminée à tout jamais.
[39] Littéralement ‘vol’, qui doit être compris dans son sens le plus large, qui englobe les activités furtives du mental. Le sadhaka qui convoite une chose qui appartient à un autre commet un vol à l’insu de l’autre.
[40] Cette description des trois premiers membres du yoga constitue la réponse à la question 27 de la compilation rédigée sous forme de questions/réponses. Elle a été omise dans la rédaction du texte en prose.
[41] Le pranava et les trois états sont expliqués dans la Mandukya Upanishad.
[42] Dans le texte : purushan, qui doit être traduit ici, selon le contexte, par mumukshu, celui qui aspire à la Libération.
[43] Amritam : libération, immortalité, nectar.
[44] Les pensées qui sont sans rapport avec la recherche.
[45] Les pensées qui se rapportent à la recherche.
[46] Asana : siège et posture. Le siège sur lequel une posture yoguique est assumée. Ici, la disposition du mental, de l’attention, à se maintenir sur Brahman, son siège. Selon le Maharshi « Dans la voie de la connaissance, asana signifie prendre fermement son siège dans le Soi. C’est une posture intérieure. »
Ces définitions constituent les réponses à la question 34 dans le texte de la Compilation, sous forme de questions et de réponses. Elles ont été omises dans le texte en prose.
[47] Ramana Maharshi dit dans l’original : « L’appréhension des trois aspects Asti, Bhati et Priyam, Sat-Chit Ananda ».Dans L/R I-40 il explique : « Asti désigne la réalité, Bhati la luminosité, l’éclat et Priyam désigne ananda. Sat-chit-Ananda est la forme de ‘Cela’ »
[48] Sannyas est le renoncement au monde , et l’entrée dans un des ordres religieux hindou.
[49] Cette parenthèse se trouve dans l’original. Au sujet de sannyas, le Maharshi a dit : « Que voulez-vous dire par ‘prendre le sannyas’ ? Pensez-vous que cela veut dire quitter votre foyer et porter des vêtements d’une certaine couleur ? Votre esprit ne vous suivra-t-il pas, où que vous alliez, même si vous sautez dans les airs. Pouvez-vous partir et laisser votre esprit derrière ? » (D/D 15/5/1946)
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